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Matt Bollinger: Bed on the Floor, Mar 13 - Apr 28, 2013

 

NEW YORK
Matt Bollinger
Bed On The Floor
March 13 - Apr 28, 2013

Il touche à la réalité comme il touche à la couleur des papiers qu’il peint. Puis il les déchire ou les découpe et les colle en montant du fond vers la surface. La sensation colorée se combine alors à celle de la matière. Matt Bollinger sait des histoires, des histoires vécues dont il peut restituer les moindres détails. Elles lui viennent par fragments. Cela commence en douceur : une fille grille une cigarette dans un fauteuil. Sur une table sont posés deux carnets de notes. La banalité apparente de la scène est aussitôt démentie par la violence des couleurs. On comprend que cet usage est étroitement lié à l’intensité d’une émotion, celle que procure le récit lui-même. Ce rôle de la couleur, Bollinger le retrouve dans le cinéma expressionniste hollywoodien de Douglas Sirk, ainsi dans Ecrit sur du vent (1957), où s’oppose la clarté de l’enfance à la sombre vie de héros qui ne se sont pas vu devenir adultes. Mais Bollinger ne se contente plus seulement d’arrêts sur image. Il va plus loin. Du récit, il veut gagner le texte lui-même. Avec l’aide de son ami et poète Dan Magers il a conçu le projet d’une série de carnets (notebooks). Pour ce faire, Dan Magers a demandé aux poètes Paige Taggart, Farrah Field, Steven Karl et Alina Gregorian de collaborer à ce projet en livrant chacun un texte sur le thème du « voyage en été », tous datés du 18 août. Autant de manuscrits que de styles d’écriture que Bollinger réussit à introduire littéralement dans le processus de collage. L’écriture elle-même est découpée au plus près de son identité graphique. Il en résulte une œuvre fondée sur une somme d’expériences diverses, un caractère composite propre au travail de Bollinger en général. Comme Dan Magers, Bollinger est intéressé par le caractère paradoxal de « l’identité de groupe ». Magers reprend ce sujet dans un recueil de poèmes appelé Partyknife publié en 2012 dont Bollinger a illustré la couverture. Chaque page de carnet est un mur où s’inscrit une histoire improbable et pourtant intensément ressentie. Randonnée qui se termine en aventure où l’on passe à travers les trous d’un grillage comme pour franchir les interdits. Un désir que Bollinger exprime avec une force remarquable dans ce grand mur de briques – collage en trois parties – où s’étale le nom de « Southaven » en lettres couleur acier découpées aussi parfaitement qu’on les croirait de métal. Un mur familier, qu’il pouvait voir de chez lui dans son enfance qui, tout à la fois, marque la présence du foyer, de la communauté mais aussi l’interdiction d’en faire partie. Car pour Matt Bollinger l’artiste est un perpétuel errant en quête d’une vérité qui lui échappe à mesure qu’il lui semble s’en rapprocher. Son seul refuge se trouve alors dans l’œuvre qu’il se construit. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il a souhaité pousser plus loin encore cette logique en procédant à une installation sculpturale, simulacre d’un refuge éphémère aménagé par un sans-logis : un chariot de supermarché renversé sert de structure. Cette installation est le fruit d’une collaboration avec l’artiste Rachel Frank, chacun y apportant sa propre pratique artistique. Ensemble, ils ont conçu une construction capable d’inviter comme au théâtre le spectateur à une expérience parallèle à celle que proposent les collages narratifs de Matt Bollinger : tenter, à chaque instant, de saisir le commencement d’une nouvelle histoire, d’une histoire vraie. Bernard Zürcher